Les apocryphes de Nag-Hammadi

Les apocryphes de Nag-Hammadi

Nous allons aborder, ici, un pan de l’histoire qui a bousculé notre société judéo-chrétienne, même si bon nombre d’entre nous ne s’en sont pas aperçu.

Depuis 2000 ans, le dogme catholique a façonné la religion chrétienne et lui imposant des canons ne pouvant être remis en cause, raison fondamentale d’un dogme.

C’est au cours du Concile de Nicée qui eut lieu du 25 mai au 25 juillet 325 que fut façonné, fabriqué le Catholicisme qui devint le courant officiel et majoritaire du Christianisme pendant de nombreux siècles. Il consista à définir les premières pierres du dogme et notamment d’imposer le crédo de Nicée mais également à maintenir le principe des Evangiles Canoniques (Marc, Luc, Matthieu et Jean) qui fut définitivement entériné lors du Concile de Laodicée qui eut lieu aux alentours de 363. Ainsi, le nouveau testament fut entériné condamnant tous les autres écrits pouvant circuler sur la vie et le message de Jésus.

Concile de Nicée – 325

Déjà, même avant le concile de Nicée, des religieux chrétiens combattaient ce qu’ils nommaient les hérésies et notamment celles refusant les quatre principaux évangiles qui, bien qu’encore « non officialisés » par Rome sont les axes de la liturgie catholique à naitre. Parmi ces hommes, il en est un qui marquera son temps en recherchant tous les textes différents des évangiles canoniques mais également ceux qui les prennent pour support de leur foi, il s’agit d’Irénée de Lyon. Il est l’un des Pères de l’Eglise reconnu par le Vatican mais également nommé Docteur de l’Eglise avec le titre de Docteur de l’Unité donné par le Pape François en 2022. Il laissa un texte important pour l’église de Rome intitulé « Contre les Hérésies » dans lequel il condamne et combat le mouvement Gnostique et ses adeptes. Il chassa et détruisit de nombreux ouvrages gnostiques faisant penser qu’ils seront perdus à jamais. Ainsi, l’Eglise de Rome, avec la disparition de ces documents et la persécution des Gnostiques impose son dogme et sa foi sur l’ensemble de l’Europe médiévale.

Bien que nous puissions supposer que de nombreux exemplaires des textes interdits que nous nommerons dorénavant « apocryphes » aient pu échapper aux traques d’Irénée de Lyon et de ses sbires, et notamment dans le mouvement de l’Eglise Cathare des XIIe et XIIe siècles, ils disparurent du quotidien des chrétiens de ces temps médiévaux. Bien que toujours en veille et sur ses gardes, l’Eglise de Rome pouvait dormir sur ses deux oreilles. Mais c’était sans compter sur le hasard…

C’est en 1945 que l’Histoire bascula !

En 1945, proche de la ville de Nag Hammadi, au village de Hamrah Dawn en Egypte, deux frères, à la recherche de nitrate leur permettant de fertiliser leur culture, découvrent plusieurs papyrus dans une jarre en terre cuite.

Habitués des découvertes archéologiques faites dans leur pays, les deux frères se gardent bien de parler à leur entourage de leur trouvaille, espérant ainsi pouvoir faire fortune en les vendant à des touristes ou des archéologues toujours férus de ce genre de reliques historiques.

Mais des événements familiaux opposent les deux frères à leur famille, craignant que leur trouvaille ne soit découverte, ils décident de confier leurs papyrus à un prêtre copte qui charge son beau-frère de négocier la vente auprès d’un musée.

C’est que qui se passera puisque l’un des codex est vendu au musée Copte du Caire. Un jeune historien, Jean Doresse, expert en écritures anciennes au musée, comprend l’importance des documents qu’il examine et réalise une première publication scientifique en 1948 avec un autre chercheur, Henri-Charles Puech.

Nag Hammadi Codex II, folio 32, le début de l’évangile selon Thomas

Mais que pouvaient bien contenir ces documents datant globalement du IIe et IIIe siècle pour fasciner si rapidement les scientifiques ? Depuis des décennies, les historiens supposaient que des écrits gnostiques, recherchés par l’Eglise au cours de l’Histoire, devaient encore exister quelque part mais jamais la chance ne leur sourit pour mettre la main sur de tels documents. La première publication des deux historiens du musée Copte du Caire, leur ouvrit de nombreuses perspectives.

La lecture de ces apocryphes permit de prendre conscience qu’il s’agissait des écrits gnostiques les plus anciens, présentant des écrits non seulement axés sur la philosophie gnostique mais également présentant des évangiles inconnus dans lesquels la vie du Christ et de ses apôtres semble étrangement différente de celle présentée dans les quatre évangiles.

Composée de plus de soixante-dix textes distincts, la bibliothèque de Nag Hammadi, puisque c’est ainsi qu’elle est baptisée, contient plusieurs évangiles racontant les relations du Christ avec ses apôtres et notamment avec Marie-Madeleine, celle que l’Eglise de Rome considère comme une prostituée.

Non seulement elle fait partie des proches du Christ mais un passage de l’évangile de Philippe, sous-entend que le Christ l’embrasse sur la bouche et qu’elle est celle de ses apôtres qu’il préfère. Imaginez l’impact d’un tel texte au Vatican !

Marie-Madeleine – Georges de la Tour

L’évangile de Thomas présente un échange entre Marie-Madeleine et l’apôtre Pierre particulièrement violent. Marie-Madeleine est alors en train d’expliquer aux apôtres ce que Jésus lui a enseigné quand Pierre s’oppose à son discours ne pouvant admettre que le Christ ait pu lui donner un enseignement différent qu’à lui-même.

Ces écrits soulèvent de nombreuses questions bousculant fondamentalement le dogme Catholique et notamment sur la position de Marie-Madeleine par rapport au Christ. Pourquoi l’embrassait-il sur la bouche ? Était-il si proche l’un de l’autre ? Avaient-ils un lien amoureux, charnel ? En ce cas, quelles pourraient être les conséquences de cela ? Auraient-ils pu avoir des enfants, une descendance… une lignée ?

Je pense que la découverte des apocryphes de Nag Hammadi eut pour le Vatican l’effet d’une bombe atomique. Tout auquel ils s’étaient attaché à dissimuler depuis prés de deux milles ans, en n’hésitant pas à employer les moyens les plus abjectes pour arriver à leur fin, leur explosait à la figure. D’ailleurs, comme on le verra quelques années plus tard, lors de la découverte des manuscrits de la Mer Morte à Qumram, l’église fera tout ce qu’il faut pour que l’étude des ces documents soit la plus longue possible leur permettant ainsi de s’assurer qu’aucunes autres révélations possibles sur la vie du Christ ne leur échappe !

 Je pense que la décision de réformer le dogme catholique par le Concile de Vatican II, qui eut lieu de 1962 à 1965, est l’une des conséquences de la découverte de la Bibliothèque de Nag Hammadi et de sa publication par les Universitaires.

Représentants des églises chrétiennes lors du Concile Vatican II

L’Eglise de Rome se reforma mais pas en profondeur, mais elle réussit à montrer une nouvelle image et notamment vis-à-vis de Marie-Madeleine.

Cette incroyable découverte de 1945 aura des conséquences sociétales profondes. Pour de nombreux croyants, il s’agit d’un bouleversement. Les avait on trompés ? Pour d’autres, ce fut une révélation leur présentant un Christ plus humain, plus proche d’eux-mêmes et semblant ressentir les mêmes choses que n’importe quel quidam.

Les femmes de l’après-guerre virent en Marie-Madeleine un totem, un symbole de l’image de la femme au cours des siècles et de son asservissement à l’homme par le biais de la religion.

Et puis les années 1960 arrivèrent, des années de liberté, tant sexuelles que philosophiques, les jeunes esprits de l’époque se détachent des religions traditionnelles ou les explorent en profondeur, c’est ainsi que le personnage de Marie-Madeleine devient une égérie pour les femmes en quête de « liberté ». Des auteurs lancent l’idée qu’elle aurait pu être la femme de Jésus et que peut être, ils auraient pu avoir une descendance…

Parmi les livres qui marqueront ce mouvement, je peux citer « L’Enigme Sacrée » des trois auteurs anglophones Henry Lincoln, Michael Baigent et Richard Leight paru en 1982 sous le titre anglais « The Holy Blood and the Holy Grail » et puis le sommet sera atteint en 2003 lorsque l’auteur américain, Dan Brown, publiera son fameux « Da Vinci Code ».

Les textes de la Bibliothèque de Nag Hammadi ne peuvent que faire réfléchir et s’interroger sur le témoignage du Christ qui, sous leurs lignes, présentent une idéologie Gnostique.

Mais le mieux est de se faire une opinion personnelle en les lisant. Des chercheurs de l’Université de Laval au Quebec (Canada) les ont traduits et mis en ligne afin que tout à chacun puisse les découvrir, lire et les étudier. Téléchargeable au format PDF, vous pourrez si vous le souhaitez les découvrir.

Accédez au Site de l’Université de Laval pour accéder aux traductions des textes de la Bibliothèque Gnostique de Nag Hammadi

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